Morts ou vif, récits, Zoé 1999, «Livre de la Fondation Schiller 2000», rééd. 2003.

Mort-vif-meizozp_FotorOn en parle…

André Gavillet, « Note de lecture: Morts ou vif », Domaine Public, 19 novembre 1999.

Thierry Mertenat, Jérôme Meizoz plonge à la source du chagrin, Tribune de Genève, 1999.

Philippe Dubath, « En noir et blanc », Le Matin, 1999.

 

Quelques questions par e-mail 

J’ai trouvé un ton, le mien, ce qui ne signifie pas que je m’en tiendrai à celui-la. »

Jérôme Meizoz, pouvez-vous nous dire quelle est l’origine ou quelles sont les origines de votre dernier livre « Morts ou vif « , publié après un autre livre significatif « Le droit de mal écrire »?

Je suis parti d’une sensation, d’une émotion à propos du langage entendu dans mon enfance, les bribes du patois de ma mère. A chaque fois que j’entendais ces mots, c’est comme si on ouvrait un coffre-fort. J’ai voulu aller voir. La question de la «bonne» langue, et de la langue illégitime, «redescendre à son parois natal» (Deleuze ) m’a porté. A partir de là, les souvenirs les plus essentiels, ceux des deuils, se sont enchaînés naturellement, si je puis dire. Le «droit de mal écrire», c’est le droit à trouver son chemin dans la langue, en deçà de toute «norme», de toute consigne scolaire.

En quelques mots, arrivez-vous à cerner ce que l’écriture de ce livre vous a apporté?

Une certaine sérénité face à la mort d’autrui, même si je reste angoissé de la mienne, ce qui après tout est assez banal. J’ai appris le deuil, et compris que l’écriture trouve en nous une racine très profonde : il s’agit de trouver son «ton», comme on trouverait une couche de terre archéologique, et puis tout vient très justement. J’ai trouvé un ton, le mien, ce qui ne signifie pas que je m’en tiendrai à celui-la.

Pour quelle raison avez-vous souhaité accompagner votre texte de photographies d’Oswald Ruppen ?

A l’origine, la collection où paraît ce livre est illustrée, par exemple Le Hibou et la Baleine de Nicolas Bouvier. L’éditrice m’a demandé un nom de photographe. J’ai immédiatement pensé à Ruppen, car c’est lui la mémoire photographique du Valais des années 1960-1970. Ses photos sont à la fois documentaires et nostalgiques, mais pas de cette nostalgie patriotico-kitsch qui prévaut trop souvent. Et puis Ruppen a été le maître d’apprentissage d’un très grand écrivain d’origine valaisanne, Jean-Marc Lovay, qui l’admire beaucoup. Ruppen est comme un moine tibétain qui a médité ce pays toute sa vie.

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Destinations païennes, récits, Zoé, 2001, réédition «MiniZoé», 2013.

Destinations païennes retrace l’itinéraire d’un narrateur singulier tout entier dévolu à la rêverie et à la contemplation. Il s’est donné pour mission d’échapper aux agressions du monde tel qu’il est, se faufilant pour cela dans ses fissures. Il esquisse les portraits de vies perdues et recueille les scènes du jour. Ce parcours tend vers un lointain accessible, monde païen de sensations premières, libéré de l’enfer et de la dévotion aveugle.

Extrait

Les médecins m’ont toujours dit trop fragile pour rencontrer le monde.
A la première borne, au premier angle, en vue du fossé le plus ténu, je recule.

Mon père bien calé dans son fauteuil de notaire, le verbe agile et cassant, me toise comme un oiseau tombé du nid.
Le matin, les mains encore posées sur les draps comme deux poupées de verre, j’entends son automobile gronder sur le gravier du parc.
Je me terre dans les couvertures pesantes comme le plomb.
La femme de ménage a reçu l’ordre de ne pas m’importuner ; le livreur dépose sans un bruit ses frémissants emballages de victuailles.

Tout m’est trop, même la pâle lumière de la rue.
Et personne à aimer dans cette bâtisse, ne serait-ce qu’un chat.
C’est ma mère qui s’y refuse.
Le docteur m’interroge toutes les semaines. Je n’ai rien à lui dire sur ce vertige moelleux.

J’aime cependant quand grand-mère me fait lecture. Elle humecte ses lèvres et réveille mon peu d’imagination de sa diction vieillotte.

En ces instants suspendus, je laisse monter jusqu’à mon drap, sans crainte, un rayon blanc de soleil.
De longues heures de délectation, ensuite. Je me risquerais presque dehors, alors.

Mais le docteur, que maman accompagne jusqu’à la porte en susurrant de rondes syllabes, me le déconseille strictement.

Pour l’instant, je reste donc étendu, à habiter toute la coupole de mes paupières.

Peut-être qu’elle commencera demain, cette vie dont on me parle tant.

On en parle…

Marc Van Dongen, « Jérôme Meizoz, chercheur, essayiste, auteur » et « Les Destinations païennes suivent le fil ténu de la rêverie », Le Courrier, 12-13 janvier 2002.

Isabelle Rüf, Le Temps, 27 octobre 2001

Dans Morts ou vif, l’autobiographie était très présente, pudiquement tenue à distance mais explicite. Ici, elle sous-tend certainement plus d’un passage, mais de façon plus allusive. Beaucoup d’êtres blessés, cassés, hantent ces pages. Un enfant trop protégé, pas assez aimé, hésite au bord de la vie. Un fils se dédouane de la mort de sa mère: entre les lignes de son récit indigné, incohérent, se dessine une longue tragédie sur plusieurs générations. Des vieux ronchonnent au bout d’une existence dont ils n’ont rien pu maîtriser. Meizoz convoque ceux qui le sont rarement dans l’univers de la fiction: saisonniers, mendiant, clochard, bûcheron taciturne puis définitivement bâillonné par la maladie ou infirme, comme l’Aleijadinho, sculpteur génial du baroque brésilien qui attachait des outils à ses moignons. »

Jean-Louis Kuffer, 24 heures, 4 décembre 2001.

 Jérôme Meizoz pose ici les premières bases d’un univers poétique tout à fait personnel, où interfèrent le monde « sauvage » des individus singuliers et la nouvelle société connectée et aseptisée. « Je viens d’un pays de bergers d’Epinal devenus cols blancs », dit l’un des personnages de ces esquisses de nouvelles évoquant un peu les pointes sèches de Jules Renard (nous pensons à Nos frères farouches, entre autres merveilles), donnant parfois lieu à de très belles évocations (Rébus de pierre, Terrasse) ou à quelques portraits (Fred, Lucien, Robinson) qui ressortissent à la Suisse sauvage de Walser, Cingria, Soutter, ou d’un Wölffli hardiment convoqué en couverture.
Enfin et surtout : une voix nouvelle, un ton et un regard, une intelligence et une perception originale de la réalité composite de notre pays pourraient se développer à partir de ces proses très surveillées. »

Francesco Biamonte, Le Passe Muraille, 28 mars 2002.

Portraits d’individus vus de loin, ou fréquentés sans parler, évocations de moments solitaires et délicieux, fantasmes autour de pays vus en photo se succèdent pour construire en miroir l’image d’une conscience rêveuse et le portrait de villes sans nom, qui sont les nôtres. Quelques exclus les parcourent, quelques médiocres, quelques inconnus suscitant sans raison un sentiment de fraternité ; quelques souvenirs d’enfance aussi (la présence des migrants méditerranéens), une permanente aspiration vers le sud, l’Italie, le Portugal. Une sensibilité à l’histoire des choses s’y profile, à la lente et mélancolique construction de cette civilisation dont le narrateur ne peut ou ne souhaite pas faire complètement partie.

Toute la qualité de cet opuscule réside dans le rapport étrange entre évanescence et précision de l’évocation. L’auteur, avec un rythme en tout petits paragraphes et un très beau vocabulaire, trouve vraiment un ton bien à lui, le reflet d’un état de conscience particulier et bien perceptible – d’où l’intimité qui relie ces images et ces pensées. »

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Les Désemparés, récits, Zoé, 2005.

La faille de vivre, qui ne la connaît pas ? Sur la fragilité et l’incertitude des vies, ce livre s’égrène comme une suite de scènes et de portraits. Les récits brefs portent sur les moments et les lieux où basculent des personnages laissés pour compte.

Quelle place reste-t-il pour ce qui, en nous, palpite et refuse de se soumettre aux exigences du monde diurne ? Que deviennent celles et ceux qui ne peuvent s’insérer dans le rythme de nos sociétés ?

Les désemparés qui hantent les villes nous renvoient aux étranges misères de la réussite. Passants pressés, c’est à peine si nous osons lire nos propres désarrois dans leurs yeux.

«Ne riez pas : mettez vos noms sur leurs visages.»

On en parle…

Il est des marginaux qui sont nos familiers. Parfois, solitaires, ils nous abordent faisant la manche. On les reconnaît. On remarque même leur absence, leur retour, habillés de neuf, quand tout va bien, presque rétablis. Jérôme Meizoz a esquissé le portrait de quelques-uns d’entre eux. J’ai aimé ces portraits. «Celui-ci est un géant colérique Efflanqué, immense, squelettique comme le sac de campeur à cadre de métal léger qu’il porte toujours.»
La vie d’adolescent de l’auteur lui a fait aussi croiser non des marginaux, mais des originaux, tel ce chanoine, professeur de latin qui, en début de cour, ordonnait à ses élèves: «Prenez une feuille, vierge comme vous, martyre comme moi.» Puis le propos s’élargit. L’auteur lui-même au gré d’une errance dans une ville, inspiré par un tableau, devient un «désemparé», mais sans romantisme, car le trait est direct et la phrase énergique. »

André Gavillet, Domaine Public, 1 juillet 2005.

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Terrains vagues, poèmes et proses courtes, L’Aire, 2007, «Prix Loterie romande & AVE».

  Terrains vagues, par Elisabeth Vust

http://www.culturactif.ch

Les lapalissades sont parfois bonnes à dire : le poète n’a pas les mêmes mots que le théoricien ; le lecteur n’est pas le même face à un essai ou un poème. Autant j’avais envie de converser avec l’auteur de Postures littéraires, autant je ne désirais pas que celui de Terrains vagues m’en dise plus. Et pourtant, ces deux auteurs ne font qu’un.
Jérôme Meizoz est sociologue et écrivain. « Quand j’écrivais Terrains vagues , je ne pensais en rien au jugement professoral ou aux analyses techniques. Il s’agissait d’une expérience existentielle pour laquelle une forme était à trouver ». Chacun mettra ses propres images sur cette « expérience existentielle » en lisant ce bref recueil écrit dans la continuité de Destinations païennes Livre du mois ) et des Désemparés , mais sans doute plus abouti.
Comme leur titre le préfigure, ces proses explorent toutes un terrain vague, concret ou métaphorique, des lieux physiques ou psychiques laissés à l’abandon. L’auteur regarde où peu d’écrivains regardent (bien que le réel soit le héros de la rentrée littéraire de cet automne). En le lisant, j’ai pensé à Jean Rolin, chroniqueur de la fragilité qui écrit pour rencontrer la vulnérabilité du « marcheur qui se perd ». Jérôme Meizoz s’intéresse à l’envers de nos existences – derrière nos masques, sous nos griffes. Perdant, désemparé, découragé, chacun l’est (parfois), et si ce n’est pas le cas, « les vainqueurs ne savent pas ce qu’ils perdent ». Ici, pas de certitudes sur fond de ciel bleu impassible, non, on se trouve plutôt dans des entre-deux, des salles d’attente en plein vent, où les uns n’espèrent même plus voir le soleil et les autres attendent, ils ne savent pas forcément quoi. Textes ciselés dans le désarroi : celui d’un «Rimbaud à vélomoteur » écoutant vibrer sur le rail d’acier « le monde qui se refuse à lui », celui de Paulo, à qui un vieil amour « a lugubré » le quotidien. «Le carrosse s’est citrouillé » et l’encre noire s’accumule dans les réservoirs. Cet archange « perdu dans une brasserie » (Cingria), derrière quelle porte se cache-t-il ? L’exilé ne trouve pas d’asile ; errements sur le « débarcadère des vies perdues ».
Le poète ne se tient pas, telle une sentinelle, au bord du monde, à l’écart, retranché derrière des « il » et des « elle ». Il est dans l’arène, dans l’ère de ce « temps découragé », il a un corps, un « je » et une mythologie personnelle liée à un paysage minéral, avec clairières et lits de rivière. Nature blessante aussi, de ne pas avoir besoin des hommes, qui la défient ou l’interrogent, elle, la grande muette. « A quoi bon venir s’y geler à moitié ou s’y brûler les yeux », demande Jérôme Meizoz, qui grimpe régulièrement jusqu’à ces sommets où l’air est rare et le panorama suffocant. « Cherche-t-on la preuve du vide qui règne au-dessus de nos têtes ? ».
« Dire beauté qu’est-ce à dire ? ». Il y a des mots trop petits pour contenir tout ce qu’ils englobent, des mots devenus paradoxalement plats, durs et fades, à force d’avoir trempé dans toutes les sauces. L’oulipien Harry Mathews appelle cela le « langage cuit ». S’en méfie-t-il de ces termes ? En tous les cas, Jérôme Meizoz dit les sentiments forts, les émotions universelles sans les réduire en clichés, d’une écriture ailée et intense qui élargit l’horizon. « J’étais en garde-à-vue / Tu veillais en lisière, / A l’aveugle ». La rencontre a lieu, entre deux cavaliers seuls. « Maintenant on s’éclaire / l’un l’autre / comme deux falots-tempête ». Vient alors le moment de se défaire d’un mot magnétique : chagrin.

  Terrains vagues, par Alain Bagnoud
Publié dans le blog d’Alain BagnoudMagnifique et poignant, le dernier livre de Jérome Meizoz. De courts textes, des poèmes, des proses poétiques autour de terrains vagues et de personnages. Rimbaud à vélomoteur, qui ouvre le recueil, est l’évocation d’un poète qui « n’avait en tête que le Livre, la grande Phrase qui rachète tout », paysan, marginal, parcourant le pays en tout sens, buveur et habitué de la diatribe, méprisé par ses concitoyens, poursuivant obstinément sa quête jusqu’au soir où il s’est installé sur la voie ferrée pour attendre le train qui allait le tuer.
Suivent dans le recueil d’autres individus poignants. Une femme « soûle du Saint Esprit » qui cherche obstinément à contredire le malheur et à consoler. Un pêcheur. Paulo, le beau Paulo détruit par l’amour.
Toute une galerie de personnages se constitue ainsi. Des êtres qui sont un peu à part, touchés dans la grande fraternité des êtres. Des gens fragiles qui luttent, se relèvent, sont vaincus parfois,  près de qui Meizoz se tient avec une grande tendresse.
Ce sont des portraits inspirés parfois par le réel. Dans le premier texte dont j’ai parlé, par exemple, qui traite de la question du suicide des écrivains et de l’incompréhension sociale qui les accueille, on reconnaît Vital Bender, de Fully, là d’où venait aussi Adrien Pasquali, qui s’est également donné la mort..
Il y a d’autres choses encore dans ce livre. Des paysages, vallée venteuse, pierres, mer, caps, pics en novembre, en hiver. L’altitude, les rocs, le ruissellement, l’érosion.  Des lieux d’attente ou de départ. Des hangars, parkings, halls de gare, une bibliothèque où se réfugier. Un univers cohérent, évocateur, rude et présent, qui est dit dans une écriture juste, évocatrice, forte.

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Père et passe, récit, En bas & Le Temps qu’il fait, 2008.

“Le nouvel opus de l’écrivain suisse est entièrement consacré à son père, ou plutôt à la projection de son imminente disparition. […] Ces morceaux d’autobiographie forment une œuvre intimiste qui porte au l’exergue placée au fronton de Père et passe.”

Virginie Mailles Viard, Le Matricule des anges, mai 2008.

 On en parle…

« Toi, tu as de la chance, si les Russes viennent, ils te feront rien !  » Ainsi parlait-on au père dans le village du Valais. On le surnommait  » le rouge « . Mais le père vieillit, son espace de vie s’amenuise, ses pas se font plus lents. Alors le fils écrivain fait ce qu’il sait faire. Ce qu’il a déjà fait d’ailleurs dans Jours rouges, un itinéraire politique, consacré à son grand-père Paul Meizoz, militant syndical et le premier président de commune socialiste du Valais. Jérôme Meizoz reprend donc sa plume, et du  » fil de l’écriture  » rejoint celui qui fut si  » vivant, robuste, affairé « . Le nouvel opus de l’écrivain suisse est entièrement consacré à son père, ou plutôt à la projection de son imminente disparition. Comment l’approcher cette figure paternelle, et la retenir de ce côté-là des vivants ? Les courts récits s’enchaînent, et dans cette  » chambre de papier  » où défilent des moments de vie, peut enfin se poser le souffle autrefois vigoureux.
S’il avance pas à pas, l’écrivain n’en dessine pas moins un portrait sanguin, d’où émane une force animale, «  Je voyais son corps vif, rougi, taché, colossal, ses mains puissantes, son large cotzon de boeuf « . Le père fut un enfant sauvage, rétif à l’enseignement scolaire, un ardent défenseur du bien public, un être mutique qui aimait suivre le fil des saisons à l’aune des arbres fruitiers et réciter des poèmes les soirs de banquet. Mais une succession de décès, évoqués en filigrane au cours des récits, se chargera de briser de l’intérieur celui qui fut  » un boxeur. Je le sais. Pourtant jamais de gants, de ring, d’adversaire visible (…). Il pourrait vous écraser d’un coup. «  L’adversaire invisible, c’est la mort qui frappe à tout va, qui enlèvera un frère, la mère Nanette, un grand-père. L’appartement familial autrefois ouvert à tout vent, se ferme, les rideaux se baissent, la télévision ne s’éteint plus. Par le choix du fragment, des ellipses temporelles, de la retranscription de ses rêves, Meizoz ouvre l’espace confiné dans lequel s’enferme petit à petit le vieil homme, – «  Une horloge sans ressort, un grand fauve éteint «  – et chaque récit est un coup porté au huis clos de la vieillesse.
Le narrateur suit le rythme naturel, syncopé des souvenirs : «  Préférer les éclats d’une constellation à un récit de fausse cohérence « . Il offre une image parcellisée des instants, qui ne connaît aucune chronologie, ni linéarité. Chaque texte se suffit à lui-même et participe au tout. Il procède par touches successives, y dépose ses mémoires : visions de l’enfant qu’il fut, ou de l’homme qu’il est devenu. Des instantanés d’enfance, des souvenirs salés de vacances à la mer, des portraits  » en gloire «  du père les bras chargés de fruits,  » souriant comme un gosse sous son chapeau de paille « , ou qui, mallette en cuir sous le bras, part mener son combat socialiste, guidé par sa «  Révolte de voir « les gros bouffer tout le gâteau » « . Le patriarche est pris dans les raies d’une écriture poétique et cinématographique qui lutte contre l’oubli, «  Je le vois, pâle déjà, tituber vers sa ligne d’horizon, et je n’ai que ces mots pour lui faire bonne escorte. «  Le narrateur se confronte pour la première fois peut-être dans Père et passe à un deuil  » programmé « . Au-delà du récit mémoriel des précédents ouvrages, – comme Morts ou vif – il livre un hymne à la vie.
Des essais sur Jean-Jacques Rousseau en Gueux philosophe, sur Maurice Chappaz, Jean-Marc Lovay, ou Ramuz – aux écrits de prose poétique où se dessine l’histoire de sa famille, Jérôme Meizoz jette des bouts de lui-même. Ces morceaux d’autobiographie forment une oeuvre intimiste, qui porte haut l’exergue placé au fronton de Père et passe :  » Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition.  » (Montaigne) »

Virginie Mailles Viard, Le Matricule des anges (France), no. 92, mai 2008, p. 31.

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